Un drôle de genre

Mais qui est-elle, puisque nommée au féminin, « LA » CHATEAUBRIAND désignée à Combourg par une inscription sur un mur de la rue de Malouas, indiquant la salle de cinéma voisine ?

  • Perronelle Claude Lamour de Lanjegu dame de Chateaubriand, grand-mère paternelle de François-René ?
  • Bénigne Jeanne Marie Ravenel de Boisteilleul, sa grand-mère maternelle chez laquelle il fut placé en nourrice, à Plancoët ?
  • Appoline Jeanne Suzanne de Bédée, sa mère, à la fois superstitieuse et maladive, gaie et cultivée ?
  • Lucile Angélique Jeanne, sa « chère sœur », adorée et neurasthénique, de quatre ans son aînée, qui le surnomma « l’Enchanteur » ?
  • Charlotte Ives, fille du pasteur de Bungay rencontrée lors de son exil à Londres, et dont les amours se trouvèrent contrariées par l’opposition de la mère de la jeune fille ?
  • Céleste Buisson de la Vigne, son épouse digne, fidèle et énergique qui appelait ses maîtresses « ses madames », ainsi éreintée par Victor Hugo : « une personne maigre, sèche, noire, très marquée de petite vérole, laide, charitable sans être bonne, spirituelle sans être intelligente » ?
  • Pauline de Montmorin de Saint-Hérem, comtesse de Beaumont, maîtresse, femme du monde et salonnarde qui écrivait que « le style de M. de Chateaubriand me fait éprouver une sorte de frémissement d’amour ; il joue du clavecin sur toutes mes fibres », morte dans ses bras « d’une maladie de langueur » ?
  • Nathalie Lucie Léontine de Laborde de Méréville, épouse de Charles Arthur Tristan Languedoc de Noailles, qui fut « la petite mouche » de ses maîtresses et dont la passion lui inspira Les Aventures du dernier Abencérage?
  • Claire Louisa Rose Bonne Coëtnempren de Kersaint, duchesse de Duras, autre maîtresse et autre salonnarde, et féministe, qui favorisa sa nomination comme ministre des Affaires étrangères ?
  • La très belle Juliette Récamier, salonnarde elle aussi, et la plus célèbre d’entre elles, qui le verra mourir ?
  • La brune Olympe Pélissier, modèle favori du peintre Horace Vernet, liaison passagère d’Honoré de Balzac et seconde femme de Gioachino Rossini, qui jeta son dévolu sur le célèbre écrivain et brillant ministre ?
  • La Créole Jeanne Geneviève Fortunée Lormier-Lagrave, devenue Fortunée Hamelin, femme d’esprit parmi les Merveilleuses du Directoire, qui le séduisit comme elle avait séduit Bonaparte, Louis-Napoléon, Talleyrand, le duc de Choiseul ou Victor Hugo, mais dont le nom fut supprimé de la version imprimée des Mémoires d’outre-tombe à la demande de sa rivale Juliette Récamier ?
  • La jeune Cordélia de Castellane (homonyme d’une styliste pour enfants contemporaine), plus complètement Louise Cordélia Eucharis Greffulhe, comtesse de Castelane par son mariage avec le maréchal commandant les troupes françaises, sa « déesse des voluptés » qui provoquera la jalousie de madame de Récamier et deviendra la Marcelle de Castellane dans La Vie de Rancé?
  • La spirituelle, sentimentale et passionnée Marie-Élisa d’Hauterive marquise de Vichet, femme d’une beauté jugée exceptionnelle avec laquelle il connut une autre idylle ?
  • Cette grande amoureuse que fut la femme des lettres Hortense Allart de Méritens, dite aussi Hortense Allart de Thérase et Prudence de Saman L’Esbatx, féministe, militante de l’amour libre, ayant pour amants plusieurs autres hommes célèbres, autrice des Enchantements de MmePrudence de Samman l’Esbaix, ouvrage autobiographique préfacé par George Sand qui fit scandale, sa relation avec « l’Enchanteur » y étant rapportée ?
  • La fougueuse Léontine de Villeneuve, comtesse de Castelbajac par son mariage, « la jeune amie de ses vieux ans », de 35 ans sa cadette, « la naïade du torrent » rencontrée aux thermes de Cauterets qu’il nomme encore « l’Occitanienne », dans Mémoires d’outre-tombe ?

Quelle autre ?

Une idée, comme ça : dans un nouveau quartier qui serait construit à Combourg, pourquoi ne pas donner à chaque rue le nom d’une des femmes ayant compté dans la vie tumultueuse (nous n’avons pas dit dissolue) de François-René ?

Un autre zoo dans l’autre classe

J’ai rencontré
une salamandre agile
une licorne enjouée
une loutre adorable
un anaconda discret
un capricorne fier
un cobra méfiant
une marmotte éveillée
un boa grimpeur
une petite belette rigolote
une hermine maligne
un barracuda furtif
un husky cascadeur
une calme mésange bleue
un petit loup bavard
un grand fennec solitaire

une sterne curieuse
un ouistiti affamé
une orque malicieuse
une aigrette silencieuse
un paresseux comique
un lémurien fantasque
un perroquet répétiteur
une jument réfléchie
un petit loup bavard
un léopard tranquille
sans oublier une hirondelle agréable.
Où ? Dans la classe qui sera le mienne l’année prochaine !

Anne-Gilduine

Dire bonjour à l’inconnu, n’est-ce pas lui souhaiter la bienvenue ?

Dans les rues de Combourg, de La Chapelle-aux-Filtzméens, de Dingé, de Cuguen ou de Tinténiac, la plupart des gens qui se croisent, même s’ils ne se connaissent pas, se saluent :
« Bonjour !
— Bonjour ! »

Dans son (magnifique) livre Requiem pour un père (Verdier, 2013, traduction Bernard Banoun), Josef Winkler raconte qu’il avait quitté son village, enfant, ses parents s’installant dans une grande ville, et que là, il continuait, selon son habitude, de dire bonjour aux gens, dans les rues, et que l’on se moquait alors de lui, le considérant comme un idiot.

Huile et peinture acrylique sur toile (205 x 310 cm) de Gérard Fromanger, Corps à corps, bleu, Paris-Sienne, série « Sens dessus dessous », 2003-2006.

Eh bien, je préfère les villages. « À taille humaine », comme on dit.

Étape tranquille au bord du lac pour Clodine, Hevann, Rose et Prunelle

En quelque sorte, Clodine et Hevann sont des migrants. On a pu les apercevoir, lui en sabots, elle en bottes, trois ou quatre jours et autant de nuits, tranquillement installés sur un terrain à lotir, à deux petites encablures de la crêperie-bar-grill L’Angevine, au-dessus (au sud si ma boussole ne me trompe pas) de la route ceignant le « lac tranquille » du cher René.

Installés dans une roulotte douillettement chauffée par un ingénieux poêle à bois. Une roulotte semblant tout droit sortie d’une bande dessinée ou d’un conte merveilleux, et flanquée d’un petit camion blanc lui faisant discrètement escorte. Venant de Cancale, dans sa superbe livrée d’osier, cette roulotte-charrette, charriotte peut-être, vient de reprendre sa migration, vers le sud, tirée par deux ânesses (et non par une bicyclette orange), Rose et Prunelle, « sœurs de voyage ».

Poussée par son goût pour l’écriture et la littérature, Clodine était partie en avril d’Angers avec le projet de « feuilleter la France », six mois au moins d’un « Tour en France rurale et littéraire ». Un périple au cours duquel elle se promettait d’aller à la rencontre d’éditeurs, de libraires, de bibliothécaires et d’écrivains, de toutes les personnes placées, à un maillon ou à un autre, dans la chaîne du livre : « ceux qui font le livre et ceux qui le font vivre », ce qu’elle n’a pas manqué de faire, promesse tenue, à Combourg, de Tournez la page aux Sources.

Maintenant qu’elle est repartie, on peut découvrir et suivre les aventures de Clodine, impeccablement rapportées, avec simplicité, concision et justesse, sur son blog

http://porte-plume.ecriture.over-blog.com

et sur sa page Facebook (Clodine Porte-Plume)

https://www.facebook.com/clodine.porteplume?lst=1197221704%3A100000699384999%3A1509917797

Bonne route, amis migrants-rouliers-cochers-âniers-marcheurs-nomades-voyageurs-gens-du-voyage-itinérants-pérégrins-trimardeurs, beaux et heureux vagabonds, bon feuilletage !

 

 

Un zoo dans la classe

J’ai rencontré
un crocodile aimable
un babouin sportif
un aigle royal traqueur
une tigresse de Sibérie discrète
une coccinelle heureuse
un tigre bagarreur
une petite chenille
une genette curieuse
une chèvre coquine
un beau tigre à dents de sabre
un gorille chasseur
un requin gourmand
un lynx inoubliable
un grand jaguar
une lionne intelligente
une jolie chouette des bois
une tigresse intrépide
une otarie joueuse
une panthère noire
une antilope blanche
un dodo mémorable

« une » dauphin mystérieuse
un lapin rapide
un guépard tranquille
un singe surexcité
un petit panda roux
un faucon taquin
un serpent ardent
un lion véloce
un coq faisan coriace
un chiot belge fou
un iguane astucieux
et une gazelle étincelante
sans oublier une biche sympathique
ni un renard célère.
Où ? Dans ma classe !

Anne Gilduine

Des panouilles abyssales

Le poète
il nous a raconté
que dans l’appartement où il habite
à Combourg
il y a une télé
bloquée sur C8.
Il ne peut capter aucune autre chaîne.
Alors il voit
parce qu’il n’a pas le choix
l’émission de Cyril Hanouna
Touche pas à mon poste.
Et il nous a dit
qu’il n’éteint pas tout de suite
parce que ça l’intéresse beaucoup
de « mesurer le niveau de bêtise
de cet animateur inculte
et de ses chroniqueurs panouilles ».
Pour conclure
il a dit ce mot : « abyssal ».
Dans le dictionnaire,
j’ai regardé,
ça signifie
« D’une profondeur comparable
à celle d’un abîme, d’un abysse ».
Et panouille : « Terme d’argot désignant
un individu stupide, lourdaud, abruti, niais ».

Anne Gilduine

L’odeur de la médiathèque

En allant à la médiathèque,
j’ai croisé le poète qui vient dans ma classe
et je l’ai embrassé
sans réfléchir
comme si c’était mon tonton
(ou mon grand-père),
mais il a eu l’air étonné
et je me suis sentie
un peu gênée.
Je crois qu’il était content,
quand même,
peut-être,
tout simplement,
parce que je l’avais reconnu.
Évidemment que je l’ai reconnu :
il est venu trois fois dans notre classe,
une matinée entière chaque fois.
Il nous a dit
(le poète)
qu’il ne savait pas ce que c’était
la poésie !
Il nous a pourtant appris
des trucs d’orthographe
et de typographie.
Il nous a même parlé d’étymologie
et d’anamnèse,
et du mot alias
pour dire un surnom.
J’adore les mots nouveaux
et je me souviendrai de tous,
promis !
Il nous a dit aussi que pour écrire,
il est important de n’oublier
aucun de nos cinq sens.
Alors je vais essayer
de bien sentir l’odeur de la médiathèque
et de trouver un mot pour la dire.
Mais avant
je me suis demandé
qui on a le droit d’embrasser
et qui on n’a pas le droit.
Je ne sais pas
s’il y a des règles pour ça
comme en orthographe
et en typographie.

Anne-Gilduine

Encore une faute !

J’adore l’orthographe

et, à dix ans, ça me plaît beaucoup,

quand j’en ai l’occasion,

de corriger les grandes personnes.

Je passe énormément de temps

plongée dans les dictionnaires

à vérifier et à apprendre l’orthographe des mots,

des noms communs et des noms propres.

À Combourg,

qu’on appelle « le berceau du romantisme »,

tout le monde connaît le nom

(et même la vie)

du grand écrivain

(romantique)

François-René de Chateaubriand.

Dans la ville,

il y a une statue de Chateaubriand,

une peinture murale représentant Chateaubriand,

une place Chateaubriand,

une rue Chateaubriand,

un cabinet immobilier Chateaubriand,

un opticien Chateaubriand,

un collège public François-René de Chateaubriand,

un lycée public François-René de Chateaubriand,

un cinéma Le Chateaubriand

(c’est écrit, rue de Malouas, « La » Chateaubriand,

tiens, une faute, là encore,

une faute qu’on dit d’inattention),

un magasin de lingerie Femmes romantiques,

une compagnie de taxis Pays de la Bretagne romantique,

un Espace Entreprises Bretagne Romantique (EEBR),

un restaurant Le Romantic

(écrit à l’anglaise,

ça fait bizarre en Bretagne,

mais c’est peut-être parce que Chateaubriand

s’était exilé à Londres…)

Il existe

(il a existé, plutôt)

un autre écrivain

(son voisin dans le dictionnaire des noms propres)

qui porte son patronyme (ou presque),

c’est Alphonse de Châteaubriant qui,

lui,

s’écrit comme la ville de Loire-Atlantique,

né (à Rennes)

et ayant vécu un siècle après François-René.

Châteaubriant (le Rennais) avec un accent circonflexe sur le premier a

et un t final,

et Chateaubriand (le nôtre) sans accent circonflexe

et avec un d final.

Voici donc où je voulais en venir :

écrire « Châteaubriand »

avec un accent circonflexe,

c’est une faute.

Et cette faute, on peut la voir

sur les plaques de la rue « Châteaubriand » (sic)

et de la place,

mais encore chez l’opticien

de la place Albert-Parent

qui ne doit pas avoir de lunettes correctrices (d’orthographe).

Bon, on me dit que

« les noms propres n’ont pas d’orthographe »,

mais si j’étais d’accord,

je pourrais donc écrire

que notre grand homme préféré s’appelle Shatobrillan

et que, moi, j’habite allée Frenssoize-Saghent à Konbhours !

 

Anne-Gilduine

Oh ! la faute !

Je suis en CM2

et, curieuse de mon avenir,

je suis allée repérer

le collège Saint-Gilduin

où j’irai l’année prochaine

et j’ai remarqué

à l’entrée

une faute d’orthographe,

mais il faut dire plutôt « de typographie ».

Sur un grand panneau est écrit,

en gros :

« de la 6ème à la 3ème ».

Mais j’ai appris,

avant les vacances,

qu’on doit écrire

(c’est une règle,

ça ne se discute pas !) :

« 6e et 3e ».

Oui, seulement un petit e,

en « exposant » dans le langage des informaticiens,

en « petite supérieure » dans le langage des typographes.

Ce qui démontre

que même les adultes

font des fautes.

Ceux qui ne me croient pas

peuvent aller vérifier

dans un livre qui s’appelle Code typographique,

un livre surtout destiné

aux imprimeurs ;

et ce livre,

moi,

je l’ai vu.

J’ai vu la page

où il est expliqué

pas 2ème mais 2e

donc pas 6ème mais 6e

(la classe dans laquelle j’entrerai en septembre 2018).

Anne-Gilduine

 

http://www.deluxeavenue.com/typo_erreurs_2eme.php