La poésie
dans les cinq sens

Au delà des thèmes des migrants et des frontières, cette résidence entend se placer sous le signe des cinq sens, pour ceci que la poésie ne doit en négliger aucun, et, partant, les célébrer, les interroger tous.

Cette phrase de Federico García Lorca peut servir d’exergue, ou de balise :

« Un poeta tiene que ser profesor en los cinco sentidos corporales. […] en este orden : vista, techo, oido, olfato y gusto. » (La imagen poética de Luis de Góngora, 1926).

Traduction : « Un poète doit être un savant dans les cinq sens corporels » (dans Conférences, interview, correspondance, Gallimard, 1960).

Mais, plutôt que « savant » ou « professeur », on pourra penser qu’il serait plus juste et surtout plus pertinent, voire plus modeste, de traduire (quitte à légèrement trahir l’auteur du Romancero gitano) par :

« Un poète doit être connaisseur dans les cinq sens corporels » ;

ou

« Un poète doit être attentif aux cinq sens corporels » ;

ou encore

« Un poète doit s’intéresser aux cinq sens corporels ».

Dans son texte « Aux sources mêmes de l’espérance » (recueilli dans l’Eau vive, Gallimard, 1943), Jean Giono voit également dans le poète un professeur, et il illustre presque parfaitement la leçon de Lorca ; il n’oublie qu’un sens, l’odorat (encore qu’il évoque « le parfum des étoiles »), privilégiant, ce qui peut surprendre, le toucher :

« Le poète doit être un professeur d’espérance. À cette seule condition, il a sa place à côté des hommes qui travaillent, et il a droit au pain et au vin. Car il ne travaille pas, lui, ce qu’il fait, il est obligé de le faire… Il est une sorte de monstre dont les sens ont une forte personnalité ; lui, le poète, il est là au milieu de ses bras, de ses mains, de ses yeux, de ses oreilles, de sa peau, comme un petit enfant emporté par les géants. Il est obligé de voir plus loin, il est obligé de pressentir. Il est là haut sur de formidables épaules et, l’horizon s’étant abaissé, son regard vole jusqu’au bout de l’horizon des poètes, et le parfum des étoiles tombe sur lui. Son travail à lui, c’est de dire. Il a été désigné pour ça. Les autres font. Alors, en toute justice, pour qu’il ait permission et droit de vivre, il doit être un professeur d’espérance. »

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